Démantèlement de Bombardier Commercial Aircraft

Le célèbre constructeur canadien jette l’éponge de l’aviation civile. Comme annoncé il y a un an, après la prise de contrôle du programme C-Series par Airbus, c’est le groupe japonais Mitsubishi qui reprend le contrôle du programme CRJ. Une page se tourne.

Le grand public connaissait ses fameux Canadair. Les initiés, ses avions de moyenne portée, dits « jets régionaux », sous l’acronyme CRJ, Canadair Regional Jet. Aujourd’hui, presque 35 ans après son entrée dans le monde de l’aviation commerciale et professionnelle, le groupe Bombardier s’en retire. En proie à des difficultés financières, le canadien ferme progressivement sa division Bombardier Aéronautique, qui fut le quatrième avionneur de la planète après Airbus, Boeing et Embraer.

Créé en 1986, le porte-étendard de Bombardier Aéronautique était le CRJ200, dédié essentiellement aux vols intérieurs sur le continent américain. Avec un emport de 50 passagers et une distance franchissable de 3500 km, l’avion à motorisation GE était réputé fiable et maniable, avec un rayon de virage extrêmement court (23 m pour un demi-tour), ce qui en faisait le candidat idéal pour les petits aéroports locaux.

Aujourd’hui, Mitsubishi Heavy Industries en reprend les activités de maintenance, de soutien, de remise à niveau, de marketing et de vente. C’est l’un des rares accords commerciaux qui a su traverser la crise sanitaire actuelle – la même qui, à l’inverse, a mis un terme aux négociations de rachat par Boeing de la branche commerciale d’Embraer pour 4,2 milliards de dollars.

A date, le japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI) a promis de maintenir l’essentiel des activités historiques de Bombardier Aéronautique sur ses terres natales canadiennes. Ce rachat n’illustre pas moins la concentration progressive que connaît actuellement le marché des avionneurs.

Cette tendance doit toutefois être recadrée dans la dynamique globale de l’histoire aéronautique. Ainsi, aux États-Unis, on comptait dans les années 40 pas moins de 17 constructeurs. Il en reste trois principaux aujourd’hui : Boeing, Northrop Grumman, et Lockheed Martin.

En Europe, Airbus règne en quasi-monopole, aux côtés de quelques acteurs locaux indépendants, dont Dassault en France. Progressivement, le Japon pourrait donc devenir une puissance montante de l’aviation commerciale du XXIe siècle – un mouvement à suivre de près depuis qu’Embraer se retrouve plus isolé que jamais après l’abandon des négociations avec Boeing.

Olivier Müller

COVID-19 : Atterrissage dur pour les constructeurs

La désertification des aéroports n’est que l’aspect émergé de l’iceberg. Faute de recettes, les grandes compagnies ont revu à la baisse la plupart des leurs commandes auprès de Boeing comme d’Airbus. Les carnets de commandes sont en théorie encore bien remplis. En pratique, les gains futurs ne pourront pas compenser les pertes actuelles.

Le déconfinement, pour l’industrie aéronautique, ce ne sera pas pour tout de suite. Les mesures se lèvent mais l’inertie du marché des constructeurs (Airbus et Boeing en tête) est telle que les reports et annulations de commandes d’avions neufs vont creuser les déficits bien au-delà de la timide reprise d’activité prévue cet été.

Chute libre

Airbus a publié le 29 avril une perte nette de 481 millions d’euros au premier trimestre, contre un bénéfice net de 40 millions d’euros un an plus tôt, et a livré 40 appareils de moins que l’an passé (122 livraisons). L’impact de la pandémie sur les ventes d’Airbus est flagrant : en avril 2020, l’avionneur a reçu 9 commandes brutes contre 60 en mars et zéro en février.

« Pas de prévision »

Chez Boeing, la perte est de 641 millions de dollars, pour seulement 50 avions livrés. L’écart est encore plus fort lorsque l’on connaît les réserves de cash de chacune : Airbus est à la tête de 30 milliards d’euros de liquidités. Boeing, de 15,5 milliards de dollars. Autre fait rarissime pour Airbus : compte tenu de la faible visibilité actuelle, l’entreprise n’est tout simplement pas en mesure de donner de nouveaux objectifs pour 2020.

Imaginaire collectif

Chaque entreprise négocie comme elle peut : report d’échéances, nouveaux crédits, voire aides substantielles de l’État. Cette dernière a l’assentiment des pouvoirs publics mais n’est pas sans conséquence politique : dans l’inconscient collectif, l’aviation pollue et le subventionner revient à financer directement la crise climatique. Tel n’est pas le cas (le secteur aéronautique n’est responsable que de 2 à 3% des émissions mondiales de CO2) mais l’imaginaire collectif à la vie dure.

Et demain ?

Pour se préparer un meilleur avenir, Airbus a racheté le programme C-Series du canadien Bombardier. En revanche, Boeing n’a finalement pas pris le contrôle de l’activité aviation commerciale du brésilien Embraer. Le projet de coentreprise Boeing-Embraer pour vendre l’avion militaire de transport brésilien, KC-390, est aussi abandonné. Et l’ensemble se greffe à la crise du 737 Max, laquelle affecte Boeing à hauteur de près de 19 milliards de dollars.

Olivier Müller